Le public est invité à découvrir la genèse de la pratique touristique à travers quelques-uns des plus beaux ouvrages de voyage conservés à la Bibliothèque.
Qui pourrait résister aux charmes de l’Italie, à la douceur de sa lumière et de ses paysages, aux saveurs de sa cuisine ou au raffinement de sa culture ? Si tout le monde s’accorde pour considérer l’Italie comme l’un des bijoux de la Méditerranée, on ignore souvent que cet attrait remonte à plusieurs siècles.
Dès le Moyen Âge, les voyageurs traversent la péninsule pour admirer les mirabilia – c’est-à dire les « merveilles » ? de Rome. Depuis la Renaissance, l’Italie constitue une destination de pèlerinages érudits et artistiques. Ceux-ci se développent pour aboutir au XVIIIe siècle aux visites touristiques telles que nous les connaissons aujourd’hui. Objet d’un engouement croissant auprès des élites européennes, le voyage d’Italie devient alors un véritable phénomène de mode à caractère social et culturel. Le culte du Bel Paese s’inscrit dans la tradition du Grand Tour, véritable voyage initiatique à caractère éducatif et pédagogique accompli par les jeunes gens des classes aisées. Le phénomène naît en Angleterre au XVIe siècle et se propage ensuite dans toute l’Europe. La pratique consiste à sillonner le continent sous l’égide d’un tuteur en guise de préparation à la vie d’aristocrate.Au début, l’Italie constitue une étape parmi d’autres de l’itinéraire. Après la Guerre de Trente Ans (1618 1648), qui limite les voies praticables sans danger pour les voyageurs, la péninsule devient le seul but de destination et le symbole par excellence de cet apprentissage du monde.Aux raisons politiques de cette évolution s’ajoutent des causes d’ordre historique et culturel : par la complexité politique de son territoire, par les richesses artistiques et les vestiges antiques qu’elle recèle, l’Italie est perçue comme le lieu idéalisé où perfectionner son éducation esthétique et intellectuelle.
Au siècle des Lumières, le Grand Tour – expression dont dérive le terme « tourisme » – est adopté par les classes bourgeoises et se fond avec d’autres formes de mobilité comme le voyage d’artiste, le voyage scientifique, le voyage commercial ou encore diplomatique. La fascination pour l’Italie génère une importante production de récits, de guides, d’estampes et de souvenirs qui contribuent à ritualiser le périple, façonnant jusqu’à aujourd’hui nos représentations du Bel Paese.
La Bibliothèque publique et universitaire conserve de nombreux documents témoignant de cette passion à laquelle la région neuchâteloise n’a pas échappé. L’exposition invite donc le visiteur à découvrir quelques-uns de ces délices d’Italie réalisés ou rêvés par les voyageurs de l’époque.La première partie de l’exposition illustre l’amour du voyage qui a animé les Lumières et les enjeux pédagogiques du voyage d’Italie. Au XVIIIe siècle, le voyage est une pratique codifiée, dont les normes se reflètent dans l’abondante littérature consacrée au Bel Paese : l’expression voyage d’Italie désigne à la fois le voyage réel et un genre littéraire en soi, qui fait l’objet d’un engouement particulier de la part du public, bien que les noms des auteurs de ces récits nous soient aujourd’hui pour la plupart méconnus.
Dans la deuxième section, le visiteur part à la découverte des étapes classiques du voyage, un voyage qui se construit sur le paradoxe. Si chacun de ses lieux contribue de manière spécifique à l’apprentissage du monde prôné par les Lumières, depuis le XVIIe siècle sur l’Italie pèse en effet une lourde réputation de décadence intellectuelle, sociale et économique qui ne diminue en rien, toutefois, la portée de ses délices.
Ainsi, Rome, véritable muséum du monde en plein air, représente le moment culminant du voyage ; microcosme physique et temporel, la Ville éternelle appelle le voyageur à se confronter au poids de l’histoire et de la papauté. Pour leur part, Florence et la Galerie des Offices accomplissent l’éducation esthétique du voyageur, complétée par la visite des fouilles d’Herculanum et de Pompéi. Venise enchante par sa lagune et par la conscience du déclin de sa puissance maritime, alors que les splendeurs du golfe de Naples le Vésuve constituent la dernière étape du périple. Seuls quelques courageux se poussent vers le sud, en quête de monuments de l’antiquité grecque, pour atteindre la Sicile.
Commissaire de l’exposition : Rossella Baldi, collaboratrice scientifique de l’Institut d’histoire de l’art et de muséologie de l’Université de Neuchâtel
Du 25 avril au 31 octobre 2013
(prolongation jusqu'à fin septembre 2014)