Du 27 avril 2012 au 31 janvier 2013
Le Siècle des Lumières aimait glorifier le génie littéraire et scientifique en diffusant le portrait de ses plus nobles représentants. De nombreux auteurs comme Diderot ou Voltaire – maître incontesté dans l’utilisation du portrait comme outil de propagande personnelle – furent l’objet de cette vénération.
Tel fut le cas également de Jean-Jacques Rousseau : dès son vivant, le philosophe fait l’objet d’une intense production visuelle, qui deviendra foisonnante après sa mort. Les collections iconographiques de la BPU reflètent l’abondance et la diversité de cette imagerie. Riches de plusieurs centaines d’estampes, elles constituent le pendant visuel du précieux fonds d’archives manuscrites inscrit au registre international Mémoire du monde de l’Unesco au mois de mai 2011.
L’exposition présente des œuvres peu connues autour d’un thème d’actualité : celui du culte de l’image et de la personnalité. Le visiteur est invité à découvrir, en suivant un parcours chronologique, les modèles qui ont servi à construire l’image de Rousseau, la manière dont ceux-ci ont été interprétés et leur influence jusqu’à aujourd’hui.
La première section est consacrée aux représentations produites du vivant du philosophe. Elle témoigne de la relation complexe que celui-ci entretenait avec sa propre image.
L’exil de Rousseau à Neuchâtel (1762) marque une étape importante dans la diffusion de ses représentations. L’image permet alors de combler son absence à Paris. Les gravures inspirées du premier modèle – le fameux portrait peint par Maurice Quentin de La Tour en 1753 – constituent le principal support de cette propagande. A travers elles, Rousseau continue d’exister, entretenant l’intérêt suscité par la condamnation de ses ouvrages.
Pour l’écrivain, le portrait physique doit faire office de portrait moral. Cet aspect est au centre de la réflexion qu’il mène sur sa propre image. Son exigence d’une œuvre capable de révéler sa véritable nature et ses sentiments le poussera dans les dernières années de sa vie à considérer toutes ses représentations comme un instrument de défiguration utilisé par ses détracteurs.
La seconde partie de l’exposition s’intéresse à l’imagerie posthume de Rousseau : le tombeau du parc d’Ermenonville, Rousseau herborisant ou encore l’amitié avec Voltaire – reconstituée idéologiquement au moment de l’accession au Panthéon. Des motifs iconographiques, qui se perpétueront tout au long du XIXe siècle.
La mort du philosophe donne lieu à un véritable culte, faisant de lui un objet de dévotion. Son image bascule dans le domaine du symbolique et de l’allégorie pour devenir une sorte d’icône laïque, que s’approprient la Révolution et la culture commémorative de la République.
L’industrie du souvenir développée autour de Rousseau connaît une lente dérive au cours du XIXe siècle, jusqu’à devenir un objet de consommation dans le cadre de l’espace domestique.